boomrang

cali&@nairobi #1

Stress. Peur. Ongles rongés. Mains serrés, si fort qu’on en perd notre force. Palpitant alarmé. Perle de sueur sur le front. Mouvements répétitifs de la jambe comme des convulsions.
Cali n’arrive plus à se tenir. Depuis l’exil de l’ancien gouverneur, elle sait que le poste lui reviendra. Ils le savent tous, ils l’ont tous dit. Pourtant, elle serre encore les dents, elle ne se sent pas prête. Il ne devait pas s’en aller de sitôt, elle devait encore l’assister des années durant.
Inspire, expire.
Elle essayait de contrôler sa respiration, mais rien n’y faisait. Rien n’était capable de calmer son coeur, si ce n’est la proclamation de son ascension.
Tout va bien, Cali.
Elle tentait de se rassurer comme elle le pouvait, mais au fond d’elle, elle savait pertinemment que rien n’irait bien. L’ancien gouverneur avait fauté. Il avait été exilé. Envoyé sur les Terres Grises pour avoir aimer. Était-ce si mal d’éprouver une quelconque affection pour quelqu’un ? Pourquoi avait-il fallu qu’il déclare son amour au grand jour ? Pourquoi ne lui avait-il rien dit ? N’aurait-il pas pu la prévenir de ce qu’il avait en tête, de ce qu’il risquait ? Elle n’était pas prête. Elle ne voulait pas. Elle voulait faire demi-tour.
Ne te retourne pas. Continue d’avancer. Il ne faut pas reculer simplement parce que tu as peur, Cali.
Il avait toujours les bons mots pour la rassurer. Mais il n’était plus là. Comme disparu, comme mort. Et elle pleurerait sa mort dans le futur petit bureau qu’elle obtiendrait, qui appartenait autrefois à cet homme. Comme si elle pleurait sur la tombe d’un défunt.
Son pilier était tombé. Elle avait besoin d’un soutien, sinon elle allait chuter.

boomrang

cali&@nairobi #1

Elle sentait qu'elle n'avait pas le choix. Il lui fallait poser sa main sur l'épaule de quelqu'un afin d'être capable d'endosser cette responsabilité. Elle savait que bientôt, ses jambes allaient flancher et qu'elle allait tomber par terre d'une minute à l'autre, se prenant la honte de sa vie devant tout ceux qui la regardaient. Son coeur battait la chamade et son ventre la tiraillait tant elle était stressée. Dans son champ de vision, elle perçut le regard encourageant de Nairobi, et sentit une bouffée de compassion entourer soudainement son coeur. La voir si fière d'elle, sentir qu'elle avait peut-être un soutien, une amie sur laquelle compter juste devant ses yeux lui fit pousser des ailes.
Alors, tandis que Caraquet venait de la faire monter devant une foule de personne pour annoncer son nouveau rôle, elle décida de glisser quelques mots dans l'oreille de la jeune femme avant de regarder à nouveau Nairobi. Elle échangea un regard entendu avec sa Reine et soudainement, celle-ci annonça par la même occasion la montée de Nairobi, devenant alors princesse, assistante de la nouvelle gouverneure. Malgré son stress, Cali afficha un sourire radieux de fierté en sentant que l'évidence lui avait sauté aux yeux au bon moment : elle avait besoin de Nairobi pour endosser ce rôle, elle serait son pilier, celui dont elle avait tant besoin après avoir perdu celui qui l'avait aimé. Son coeur se serra en pensant à lui et elle perdit un instant son sourire avant de le récupérer aussitôt. Ce n'était pas encore le moment d'être triste.

Après l'annonce, la foule se dissipa. Certains vinrent tout de même la féliciter et elle les remercia gentiment. Pour la moment, la seule personne qu'elle avait envie de voir était celle qu'elle venait de nommer à ses côtés pour connaître sa réaction, son avis ; elle parvint à se glisser entre les gens, louvoyant jusqu'à pouvoir atteindre Nairobi et la regarder droit dans les yeux, restant plantée là en la regardant, ne sachant pas comment réagir, ne connaissant pas encore son avis sur le sujet. Était-elle heureuse ? Ou n'avait-elle absolument pas envie de ce rôle et en voudrait à Cali pour ne lui avoir rien dit ? Elle priait, Cali, intérieurement, pour que Nairobi soit dans le mood de la première option. Que ferait-elle sans son soutien, sinon ?

boomrang

cali&@nairobi #1

Le passage du poste de princesse à gouverneure était rude pour Cali, qui venait de perdre malencontreusement un homme qu’elle portait énormément dans son coeur, celui qu’elle avait considéré comme un mentor, un allié, un pilier, un ami même, peut-être meilleur ami pendant un temps. Et désormais, il avait disparu, évaporé comme l’eau bouillie d’une casserole de pâtes. Et il lui manquait terriblement. De plus, elle se sentait coupable de son départ précipité pour les Terres Grises. Exilé qu’il a été.
Il l’avait aimé, avait déclaré son amour au grand jour et elle n’avait pas eu le courage de le suivre, beaucoup trop loyal à son clan, aux judicieux, aimant beaucoup trop les sciences et les animaux plutôt que l’espèce humaine. Elle s’en voulait, terriblement. Mais elle devait assumer désormais la tête haute le rang qui lui avait été offert.

La sourire aux lèvres, elle se faufila entre les bleus afin de venir à la rencontre de la brune qu’elle avait choisi pour la seconder. Elle aurait pu prendre son temps, réfléchir à la princesse qu’elle aurait pu demander à nommer parmi les partisans, les marquis et les ducs, mais l’évidence ne pouvait pas attendre.
Elle baissa timidement les yeux et joignit ses mains devant elle, rougissant devant son amie qui la complimentait. Un immense sourire s’étirait malgré tout sur son doux visage, l’empêchant de dissimuler la joie intense qui se promenait dans tout le corps de la demoiselle. Elle remercia Nairobi dans un murmure tandis que le monde autour d’elles se dispersait tendrement, chacun reprenant ses occupations. Les principaux groupes se divisaient en direction de la Tour d’Astronomie, du Laboratoire et de la Bibliothèque, se ruant à nouveaux sur leurs expériences.

Cali n’eut plus peur de relever les yeux et d’afficher complètement son sourire lorsque Nai la rassura. Elle était heureuse, elle aussi, de cette décision. « Je suis heureuse que tu le prennes comme ça, alors ! » dit-elle, toute tremblante, fonçant pour la prendre dans ses bras. Un excès d’amour avait guidé les mouvements de la demoiselle qui sentant désormais toute la pression redescendre.
La bleue fit un pas en arrière ensuite pour laisser sa nouvelle princesse respirer. « Je vois que tu ne m’as pas beaucoup écouté quand je te parlais de mes missions. » dit-elle en prenant un air sérieux. Puis soudain, incapable de se contenir davantage, elle laissa doucement un sourire glisser de nouveau sur ses lèvres avant de laisser un rire lui échapper. Avec Nairobi, impossible de jouer les femmes autoritaires, ça ne fonctionnerait jamais, elle le savait.
Mais elle savait aussi qu’elle n’avait pas besoin de ça. « Bon. Tu vas principalement m’assister dans la plupart de mes tâches. Et dans les prises de décisions. Tu sais à quel point je peux être indécise en plus. Ce qui est sûr, c’est que tu passeras davantage de temps dans l’Abbaye des Sciences désormais et un peu moins dans la Tour d’Astronomie. Tu avais quelque chose de prévu ou je te fais une visite un peu plus large des endroits où je me rendais depuis que je suis princesse ? Faudrait que je demande à Caraquet de me guider un peu aussi, mon prédécesseur ne me disait pas tout, malheureusement. Enfin presque … » lança-t-elle doucement en laissant ses yeux se perdre un instant dans le vide, se rappelant des moments passés.

boomrang

cali&@nairobi #1

L'excitation dans le corps de Cali était à son comble. Son petit corps explosait de joie, il lui criait tout plein de choses qu’elle n’était pas forcément capable de capter, elle sentait simplement d’immenses ondes la parcourir sans qu’elle ne puisse réellement mettre de mots sur ce qui lui arrivait. Était-ce Joie, Bonheur, Gaieté, Enthousiasme ou un mélange de différentes émotions la traversant, rendant cette description de son état complètement impossible ?
Il fallait dire qu’elle se sentait fière de son nouvel accomplissement, comme si, enfin dans la vie, depuis son arrivée en Pangée, elle parvenait à faire quelque chose. Bien sûr, ses recherches dans les livres, ses découvertes auprès des animaux, surtout en ayant eu la possibilité de discuter avec eux, tout paraissait miraculeux en cet instant, comme si le monde ne tournait plus qu’autour d’elle. Elle nageait dans un océan d’extase, dans lequel elle ne s’épuisait que très peu pour avancer, supportée par quelques animaux marins l’aidant dans sa conquête de connaissances et l'accomplissement d’elle-même.

Avoir un pilier sur lequel se reposer la réconfortait et cette euphorie grandissante rendait d’ores-et-déjà ses discours passionné, impliqué, peut-être même un peu trop, sans prendre le temps de s’adapter et d’écouter son interlocuteur. Lorsque Cali réalisa qu’elle s’emportait peut-être un peu trop vite, elle ralentit la cadence de ses pas au rythme de sa réflexion qui s’apaisait.
Elle constata rapidement que Nairobi n’était peut-être pas encore prête pour un flux informatif conséquent et décida de changer radicalement le cours de la journée. « Tu sais quoi ? Laissons tomber, j’aurai tout le temps de te montrer le côté administratif et barbant d’être une princesse. Allons donc profiter plutôt du temps libre qui nous est offert pour discuter. » lui dit-elle en attrapant subitement le bras pour la traîner à travers les couloirs de l’Abbaye des Sciences. « Je serais bien allée célébrer cette grande nouvelle dans un bar sur d’autres terres, mais à quoi bon voyager autant pour boire un petit verre ? Non, moi, j’avais envie de te parler de mes découvertes ! Oh et tu … » Elle s’arrêta soudainement, en plein milieu des Terres Bleues, cernée de toute part. Les bâtiments scientifiques s’élevaient autour d’elle, d’une majestuosité qu’elle avait toujours admiré, mais qu’elle admirait plus encore aujourd’hui. Elle fit un tour sur elle-même en les regardant. La Bibliothèque où elle avait pour habitude d’aller faire chercher recherche sur les animaux. Le Laboratoire dans lequel elle se rendait parfois pour rendre visite à sa Reine. Le Musée. La Tour d’Astronomie. Le Centre de Soins. Le Centre des Droits. Cet endroit à couper le souffle lui faisait perdre haleine, tant et si bien qu’elle se calma pour prendre une profonde inspiration. « Arf … Pour tout t’avouer, je ne sais même pas où aller, par où commencer. » Les émotions la submergeaient et elle prit appuie un instant sur la nouvelle princesse. « Que veux-tu faire, que veux-tu savoir, Naï ? »